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Interview de Ollivier Bordeau

Directeur du chantier naval Latitude Ouest

lundi 12 mai 2003

RDP : Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre activité ?

J’ai créée cette entreprise qui au départ s’appellait Latitude 48°24’ , il y a cinq ans.
Nous avons deux activités sur ce chantier :
- l’une consiste en la préparation de bateaux de plaisance. c’est une clientèle essentiellement locale. Il s’agit de bateaux qui naviguent en Rade de Brest.
- l’autre c’est l’atelier composite, la fabrication de pièces en matériau composite. Le matériau composite c’est de la résine, du polyester, du carbone...
c’est le bois aussi.

RDP : Est ce que vous avez toujours été situé ici dans la zone de Kergonan ?

Non.je suis à mon 4ème emplacement.
Je suis à kergonan à côté de la zone commerciale de Kergaradec depuis 1 an. Loin de la mer,pour un chantier naval c’est malheureux.
Alors aujourd’hui je suis exilé ici parce que le bâtiment que j’occupais au port de commerce , c’était un bail précaire. Les terrains au port sont occupés en partie par des entreprises qui n’ont rien à voir avec le maritime.
Etre ici le bail n’est pas cher c’est l’avantage mais sur le plan du marché aujourd’hui on a 90% de notre clientèle locale qui est partie.
On ne peut plus répondre. Le mec nous appelle du port de plaisance,disant :" j’ai un carénage à faire" et quand on lui dit qu’on est à Kergonan... il ne nous rappelle pas.

Donc on a dû un petit peu changer d’activité.
On se déplace. ...Port Laforêt,Lorient, La Rochelle

RDP : Le projet d’aménagement de la zone d’activité Portuaire de Plaisance (APP), y avez-vous été associé ?

On m’a dit que j’y avais ma place dans la zone APP.
Mais on n’a pas tellement tenu compte des remarques formulées lors de la consultation dans le projet d’aménagement.

Un consultant est venu nous voir, relever nos attentes,besoins et contraintes et puis ils nous ont présenté leur projet tout bouclé.
Le côté politiquement correct est de dire : " si si je suis intéressé " mais le problème et que çà ne correspond pas du tout à ce qu’on attendait.

RDP : En quoi cela ne correspond pas ?

Un seul exemple : notre grande part d’activité se passe sur les bateaux de course sur les trimarans et les monocoques. Donc quand on intervient sur un trimaran aujourd’hui, on se déplace. Ce matin j’étais encore à Port laforêt .
Si un jour j’investis sur un chantier, dans un bâtiment c’est pour évidemment qu’il soit susceptible d’abriter un trimaran.
Alors quand ils sont venus me trouver, me demander ce que je désirais. Ben voilà c’est simple, j’ai pas de désirs architecturaux très compliqués. Non il me faudrait un hangar qui fasse 35 X 35 ou 30 X 30 de superficie ; de façon à pouvoir rentrer un trimaran.
Alors dans le projet ils m’ont dessiné un petit carré en disant "vous, vous êtes là"
Et là je pose la question : "comment fait on pour aller de la mer à içi ? "
Et bien vous prenez cette route là .
Et elle fait quelle largeur cette route ?
Elle fait 12mètres.

Voilà c’est un exemple. Ils m’ont mis un petit carré pour me calmer, me dire que j’avais une place dans le projet mais bon je ne vais pas investir dans quelquechose qui ne correspond pas.

Et puis puis pour pouvoir investir, il nous faut obtenir des crédits. Quand c’est du domaine public maritime, c’est une concession, et quand en plus c’est mal situé, çà devient compliqué d’investir. Et c’est valable pour l’ensemble de la profession.

RDP : Votre activité maritime pâtit de cet "exil" en zone de Kergognan. Pour investir et développer votre chantier, un grand hangar avec un accès direct à l’eau serait primordial. Le projet au port de plaisance ne répond pas à cette condition.
Et la Penfeld qui va être aménagée, qu’est ce que vous y verriez ?

La Penfeld c’est un rêve. Y a un tel potentiel de projets à mettre là-dedans.

Je verrai une grande partie qui reste une zone de travail. Tout le bas serait une zone artisanale.
Pas forcèment publique car cela pose des questions de sécurité le fait que les gens puissent passer.

La Penfeld c’est avant tout un port, de l’eau. j’y verrai un ponton avec des bateaux.
Je trouverai dommage que ce ne soit pas réservé avant tout aux activités maritimes ; comme on voit actuellement sur le Port. Dans la zone artisanale on trouve des entreprises de batîment, de transport qui n’ont rien à voir avec le maritime et qui pourraient être dans la zone de Kercaradec ou ailleurs.

RDP : Est ce que l’on vous a proposé d’être associé au projet d’aménagement de la Penfeld ?

Non il faut savoir que le discours des politiques, des décideurs économiques de la ville, ce n’est pas du tout de parler de la Penfeld. Quand on en parle on ne sait pas quels sont les projets et quand çà se fera ? çà se fera mais on ne sait pas si c’est dans 2 ans ou dans 20 ans. Donc ce n’est pas la peine d’attendre, de compter là-dessus.
Et quand bien même un chantier comme le mien s’installerait en fond de Penfeld, il ne fallait pas espérer pouvoir rentrer et sortir un bateau comme on veut de la Penfeld.

Pour rentrer et sortir des bateaux par la mer il faut quand même passer entre le château et ce qui restera toujours l’arsenal...une zone militaire sous surveillance, et donc il ne faut pas espérer un accès libre. On ne rentre pas non plus des bateaux tous les jours, s’il faut envoyer un simple fax d’autorisation, on le ferait. Quand j’étais au port de commerce pour pouvoir utiliser les grues, les quais on demandait de prévenir la CCI par fax. Maintenant s’il faut fournir les passeports français pour toute maneuvre dans la Penfeld, c’est trop contraignant.

Mais notre rêve ce serait un hangar de 400 m2 proche d’un quai. Dans le fond de la Penfeld c’est possible.

RDP : Au Salou ?

Là où il y a le Bâtiment Fer (le BF) , çà s’appelle le salou ?!

RDP : Oui, cela répondrait à votre besoin comme emplacement ?

Le seul besoin contraignant que l’on ait, est de devoir apporter des choses volumineuses par voie de mer ou par la route. Bon beaucoup de choses passent par la mer, mais de temps en temps des gros camions qui viennent livrer des pièces au chantier.

En tout cas si un jour la Penfeld s’ouvre et que des entreprises artisanales navales y ont leur place. Alors là je suis intéressé pour être associé au projet.

RDP : Vous dîtes : "vouloir être associé" et non pas seulement consulter sur des projets déjà ficelés comme aujourdh’ui sur le port. De quelle façon souhaiteraiez vous être associé au projet d’aménagement ?

On a vu comment çà s’est passé pour l’aménagement au port. Le consultant est allé voir chaque entreprise suceptible d’être intéressée et relever leur attentes, besoins, contraintes. Il disait d’accord puis il allait voir les autres et leur promettait les mêmes choses. Il croyait ou espérait en gros que persone ne se parlerait.
Au final la zone artisanale est dans un petit triangle et tout le front de mer et les pontons sont réservés pour un pôle olympique totalement fermé. Même pas ouvert aux jeunes qui débutent.

Et ce domaine réservé à lui seul, couvre la moitié de la superficie de toute la zone artisanale. c’est un scandale incroyable !

Pour ne pas que çà se reproduise, on est en ce moment même en train de créer une association. Elle s’appelle l’APPB Association des Professionnels de la Plaisance Brestoise. Notre idée est d’être partenaire sur des projets d’aménagement comme ceux là .

RDP : Cette association a été créée en réaction au projet d’aménagement du port ?

Oui. Elle est officielle depuis la semaine dernière et nous avons rendez-vous avec M. Cuillandre la semaine prochaine.

Se fédérer en asso c’est aussi pour montrer que toutes les entreprises se connaissent bien , travaillent ensemble et sont solidaires parce qu’ils oublient trop souvent çà . Cà forme une synergie.

On a regardé aussi ce qui se fait ailleurs, à Lorient par exemple. A chaque fois les choses ne se sont pas faites en un jour mais les gens se sont structurés en association. Pas pour être opposant systèmatiquement mais partenaire du développement. On peut citer : Les frères Desjoyaux à Port Laforêt ou à Lorient Patrick qui dit depuis 15 ans que "Lorient a la possibilité d’être une base multicoques".
Nous ici ce ne serait pas au détriment de Lorient, y a de la place pour chacun mais il est temps de bouger aussi.

Le secteur concerné est pointu, il concerne les grands bateaux, de course, de plaisance.
Ici à Brest les monocoques ne peuvent aller au Moulin blanc parce qu’il n’y a pas assez de tiran d’eau. Ils ne peuvent pas aller non plus au port de commerce parce qu’il n’en veulent pas.
Pour les trimarans au port de plaisance il n’y a jamais de place et au port de commerce n’en parlons pas ; à part Monsieur De Kersauson, personne ne peut venir ici.

Alors aujourd’hui on ne peut pas faire venir de bateau de course à Brest et nous c’est quand même ce sur quoi porte notre activité. Il n’y a pas que nous , y a ceux qui font les voiles aussi . On a répertorié une quarantaine d’entreprises dans la région de Brest qui travaillent autour de ces grands bateaux de course et de plaisance. Je compte la communication aussi. Cà représente 150 emplois aujourd’hui dans un secteur qui n’est absolument pas soutenu et çà pourrait faire encore plus d’emplois si ce secteur se développait. Un secteur qui représente 150 emplois, ce n’est pas négligeable.

RDP : Vous dites que ce secteur n’est pas "soutenu" ? est ce en terme d’image ?

Oui, l’image de Brest est celle de l’arsenal, des bateaux gris. La ville fait un gros effort sur la com qu’elle a axée sur la mer. Mais c’est événementiel ; çà concerne Brest 2000 et Brest 2004, y a plus que çà ! Et quand on dit qu’on ne fait pas dans les vieux gréements mais dans les bateaux modernes, alors là c’est uniquement Kersauson. Nous on aimerait bien que ce ne soit pas que çà.

Donc voilà on a décidé de se mettre en association et d’essayer d’être partenaire.

RDP : Existe t’il des assos comme la vôtre ?

Oui celle des commerçants du Port à Brest.

RDP : Professionels, vous vous fédérez en association et souhaitez être à l’avenir partenaire des projets d’aménagement. "Etre partenaires", "être associés" c’est dépasser la consultation individuelle des professionnels et organiser des groupes de travail ?

Oui, des tables rondes, des rencontres, des discussions.


Propos recueillis en mai 2003 par Barbara Multner pour l’Association Rue de Penfeld

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